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Critique de ceux qui critiquent l'écriture de kaaris aka talsadoum

Revenons sur un vieux débat twitter.

Autour de polémiques liés à la gentrification et la droitisation du rap, on en est arrivé à cette question existentielle : Entre Nekfeu et Kaaris, qui écrit le mieux ?


Au vu des réponses, on comprend que le public rap est plus divisé que jamais. Certains se plaignent que des rappeurs vendent de la drogue et arrachent des montres, d'autres veulent couper la parole à ceux qui ne revendiquent pas la rue et ses principes. Et dans le pire des cas, on se retrouve avec des rappeurs qui viennent se situer des deux côtés du discours. Refuser l'évolution et le partage de la culture entre les communautés ou vouloir effacer les racines identitaires du genre, l'idéologie conservatrice dont ils font preuve reste la même. Tellement de sonorités différentes se sont développés depuis l'avènement de la trap, une personne qui se dit "écouter du rap" ne nous avance pas plus sur l'auditeur qu'il est.


Mais dans toute cette cacophonie, un débat mérite d'être cité. Dans ma tl revenait souvent ces débats sur tel ou tel rappeur et la qualité de leur écriture. Il n'a pas fallu beaucoup de temps pour assister à un clivage twitto-médiatique. Et en soit, l'opposition se comprend car on ne peut pas plus incarner ces deux "branches" de ce nouveau rap français, que le public essaie de différencier, qu'avec ces deux personnages là. Rappeur poète-lyriciste face à un trappeur au propos vulgaire. Il est vrai que la question se pose. Enfin pour moi. Car de ce que j'avais vu à l'époque, c'était soit l'un soit l'autre. Et il ne pouvait pas coexister au même rang.

Alors aujourd'hui, ça m'est revenu et j'ai eu l'envie de proposer ma réponse à la réelle question sous entendu, et d'aussi redorer l'image de Kaaris car beaucoup n'ont jamais compris qu'il "noircissait des pages pour nous éclairer".


Faire l'effort de dépasser la forme


Et c'est la première chose que je reproche à ceux qui discréditait la qualité stylistique et textuelle de K2A. Sous prétexte qu'il renvoi une image trapuleuse et en reprend chacun des codes, il ne pourrait pas avoir la même qualité de plume qu'un rappeur qui se veut plus "lyriciste" dans les thèmes abordées. Et nous voilà avec la première dissonance de cette manière de penser. Un rappeur qu'on appelle communément "lyriciste" est un rappeur qui s'émane des codes du "rap de rue" ; et c'est problématique dans un sens, pourquoi un trappeur ne pourrait pas bien écrire ? Bref, revenons en au véritable sujet.


Un artiste comme Nekfeu est apprécié par la majorité de son public pour les thèmes qu'ils abordent (l'amour, les relations, la philosophie de l'introspection...), qui parle majoritairement, on ne va pas se mentir, à une audience provenant des quartiers plus aisées. Et pour juger l'écriture d'un artiste, certains ne se limitent qu'à cela.

Mais dans le fond, Kaaris n'a rien a envier à son contemporain. Jouer avec la langue française, ça a toujours été son terrain de jeu. Rien qu'à voir ces tournures de phrases, sa manière de tordre la rime. Si je reviens à ma première écoute d'Or Noir, chaque phases me laissait sans voix. Par la cruauté, la vulgarité de son propos certes, mais aussi et surtout par son goût pour la poésie. Bon je vais m'éviter cette exercice d'intellectualisation mais allez prêtez attention par vous même. Je le vois plus comme un génie dans son art qu'autre chose à vrai dire. Et c'est grâce à cette écriture qu'on tient l'un des plus gros classiques du rap français. C'est ce qui a intemporalisé son œuvre. Allez juste voir ce qu'il découle de ce texte.



Oui, il est évident que cette écriture faubourienne ne parlera pas à tout le monde, encore moins à toutes les générations. Mais la réalité qu'on ne peut nier ; celle d'un artiste qui raconte sa vie, ses déboires, sa vision de la société de laquelle il est issu mais de la meilleure des manières. Le premier génie qu'on puisse lui attribué est sa manière d'utiliser la langue française pour retranscrire à la perfection ses pensées et ses positions. Ses textes imagées nous plonge directement dans l'univers dans lequel il a souhaité nous emmener. Donc pour moi, attaquer Kaaris sur ses textes n'est définitivement pas la bonne manière de discréditer le talent de l'artiste.

Bien que je puisse admettre que post-Le Bruit de mon âme, sa volonté de simplifier sa musique a nettement fait baissé la qualité du texte.


Si les attaques seraient donc uniquement basé sur les thèmes principaux de sa musique, alors on touche au réel problème. On ne demande pas à un banlieusard de parler de la vie d'un provincial. Ca n'a pas de sens de reprocher à un sevranais de parler de la vie d'un jeune de quartiers, qui de part le contexte socio-culturel est confronté sans cesse à une violence institutionnel et systémique.

Si c'est parce que l'auditeur ne se ressent pas lorsqu'il écoute Kaaris, qu'il n'est pas sensible à sa musique cela ne pose pas de problème; mais en aucun cas ce prétexte ne doit justifier le jugement bourgeois de la qualité d'écriture d'un artiste. Le sentiment d'appartenance n'est, selon moi, pas un critère de notation viable car il est propre à chacun.

Peu importe de ce qu'il en est à la base, c'est la manière dont le vécu est raconté qui fait que tel ou tel texte est, ou n'est pas, bien écrit.


Voilà un peu près tout ce dont je voulais parler aujourd'hui, en apportant un début de réponse à ces pistes de réflexions. Le rap s'est démocratisé, pleins de sous genre se sont créés et ne réunissent pas les mêmes personnes qui n'ont donc plus ce socle de valeurs et principes communs à ce que l'on peut appeler une culture. C'est pour moi ce qui explique tant cette incompréhension lorsqu'on lit ou qu'on écoute certains débats entre auditeurs qui se disent pourtant tous "fans" de rap. La musique populaire est fait de sorte à ce qu'elle rassemble tout le monde et personne à la fois. Bien sûr que la vrai question que je voulais poser ici n'était pas duquel entre Nekfeu et Kaaris écrivait le mieux; car c'est pour moi réellement deux écritures qui se valent. Je tenais juste à pointer du doigt cet amalgame en identifiant de qui tenais vraiment ce reproche. Et pour répondre à la question que je m'étais posé au départ : le rap est un art libre qui permet à ces artistes de véhiculer leur message, peu importe la manière dont il est exprimé. Après c'est à l'auditeur d'y adhérer ou non, mais son rôle n'est certainement pas d'en juger la qualité ou la pertinence.


Précisions

Je me suis beaucoup penché dans cette chronique sur le jugement que subissait une partie du rap français, celui qui a repris tout les codes de la trap et du gangsta rap car c'est le plus critiqué, et de loin par les "nouveaux" auditeurs de rap français. Il y a certes davantage de rappeurs qui ne prêtent plus forcément attention à la forme et/ou au fond de leur texte. Mais dans ce cas, il est toujours important de notifier que ce n'est pas un art qui se lit mais qui s'écoute, avec toutes les subtilités qu'ils comportent.

Il est évident que je parle ici des auditeurs qui critiquait l'écriture de "ce" rap par rapport au "néo-lyricisme" apporté par la vague du début des années 2010 (d'où vient Nekfeu en opposition). Et non à ceux qui reprochent aux rappeurs de s'être déconscientisés, car on ne peut l'omettre, au plus grand regret de ce que ce mouvement pouvait apporter politiquement.

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